La charge des grenadiers à cheval de la garde impériale et la mort du général Jamin

Le Musée Wellington possède dans ses collections un petit tableau, huile sur toile, représentant un combat de cavalerie. Cavaliers français opposés à des cavaliers anglais.

De quoi s’agit-il ?

Il s’agit en fait d’un épisode de la 3ème charge de la cavalerie de réserve de la garde impériale et plus particulièrement de la charge des grenadiers à cheval de la garde. Cet épisode peut se situer entre 18h et 19h au soir de la bataille de Waterloo (18 juin 1815). 

Au centre du tableau on peut voir un officier général tomber à la renverse, touché mortellement par un coup de pistolet lâché par un cavalier anglais qui d’après sa tenue appartiendrait au 1er ou 2ème   régiment des Life Guards appartenant à la « Household cavalry ». Cet officier mortellement blessé est le général Jamin, major des grenadiers à cheval de la garde impériale.

Les grenadiers à cheval de la garde impériale en 1815

Les grenadiers à cheval étaient devenus, sous la 1ère restauration en 1814, le corps des « Cuirassiers Royaux de France ». Au retour de Napoléon de l’île d’Elbe, ils reprirent leur dénomination originale et réendossèrent leur uniforme classique : habits à revers blancs (comme ici représentés sur le tableau) ou, d’après certains auteurs, habits-vestes bleus (vestige du passage du régiment aux cuirassiers royaux).

Les avis divergent mais, en tous cas, le tableau montre bien des grenadiers portant le traditionnel habit bleu à revers. Pantalons en drap gris ou en peau de mouton beige et bien entendu, le haut bonnet à poil en poils d’ours.

Les grenadiers représentés ne paraissent pas porter l’aiguillette caractéristique de la cavalerie de la garde. On peut distinguer la giberne noire et les portes gibernes en buffle blanc. En principe, ils sont armés du sabre, d’une paire de pistolets et d’un fusil à baïonnette (celui-ci non visible sur le tableau).

Le harnachement de cheval : housse et chaperons de fonte en drap bleu garnis de galons de laine aurore (le tableau montre trois chaperons de fonte au lieu des deux habituels). Le coin inférieur de la housse est garni d’une grenade de couleur aurore (bien visible sur le tableau).

Le général Jamin, marquis de Bermuy

Le futur général Jamin (Jean-Baptiste-Auguste-Marie) est né le 17 février 1775. Il était le fils d’un gendarme de la garde ordinaire du Roi. Il s’engage sous les drapeaux et on le retrouve sous-lieutenant au 9ème régiment de cavalerie à l’Armée du Nord (1792-1795). Il gravit tous les grades pour devenir en 1806 aide de camp du Roi Joseph Bonaparte alors Roi de Naples. Il devint colonel du régiment des chevau-légers de la garde napolitaine le 07/12/1807.

En 1808, il suit le Roi Joseph installé sur le trône d’Espagne par Napoléon et devint, en 1810, maréchal de camp au service de l’Espagne. Titré marquis de Bermuy par le Roi, il commande les deux régiments de cavalerie et de hussards de la Garde Royale en 1811.

En janvier 1814, il fut réadmis au service de la France avec le grade de général de brigade et commanda une brigade de cavalerie lors de la campagne de France en Champagne. Major des grenadiers à cheval de la garde impériale le 16 mars 1814, il suit l’Empereur à Fontainebleau et reste avec lui jusqu’à son abdication. Il est nommé major des cuirassiers royaux de France le 24/11/1814.

Lors du retour de l’Empereur il reprit son grade de major des grenadiers à cheval de la garde impériale le 14/04/1815. Il fut tué à Waterloo le 18 juin 1815 et est donc un des protagonistes illustrés par le tableau. Il était, entre autres, décoré des ordres suivants : Commandeur de l’Ordre Royal des Deux-Siciles, Chevalier de l’Ordre Royal d’Espagne et officier de la Légion d’Honneur.

Le tableau artificiellement éclairci pour pemettre de mieux distinguer les détails.

Les Life Guards

A Waterloo, les Life Guards (1rst et 2nd regt) sont intégrés dans la brigade “Somerset », commandée par le Major Général Lord Edward Somerset (1776-1846). Les deux régiments de Life Guards forment la « Household Cavalry », que l’on pourrait traduire par la « cavalerie de la Maison du roi ».

Très similaires d’allure et d’uniforme, à part quelques détails, les deux régiments portent l’habit-veste rouge, à une rangée de boutions, et retroussis et pattes d’épaules bleus. Ils sont coiffés d’un casque à cimier surmonté d’une chenille de laine bicolore : cramoisie et bleue. Ils portent des pantalons de drap gris. Leur armement est composé de la latte de cavalerie lourde modèle 1796, de deux pistolets et d’un mousqueton. Une sabretache de cuir noir complète leur équipement. Ils paieront un lourd tribut lors de la bataille en perdant près de la moitié de leurs effectifs.

L’Action représentée par le tableau

Lors de la bataille de Waterloo, la cavalerie de réserve de la garde impériale était sous les ordres du général comte Guyot. Vers la fin de l’après-midi, vers 18 hr, Napoléon voulant forcer le centre de la ligne alliées donne l’ordre à la division Kellerman de charger. Guyot, avec sa cavalerie de réserve (grenadiers à cheval et dragons) suit le mouvement. Nous n’entrerons pas dans la polémique de savoir si le général Guyot a engagé sa division sur ordre ou s’il a suivi le mouvement de sa propre initiative ou encore s’il en a reçu l’orde du maréchal Ney ou de l’Empereur . Le but de cet article n’est pas de déterminer les responsabilités de chacun ni de retracer la genèse de la polémique de son action.

Toujours est il que le maréchal Ney fit exécuter une 1ère charge par Guyot au centre de la ligne alliée entre Hougoumont et la Haie Sainte. On aperçoit des bâtiments dans le lointain ; il s’agit sans doute de la ferme de la Haie Sainte qui se trouvait à gauche de la charge de cavalerie. La 1ère charge ayant été ramenée par la cavalerie anglaise et décimée par le tir des canons anglais, Guyot charge une seconde fois.

Lors de la 2ème charge  il a son cheval tué sous lui, il est blessé et reste prisonnier durant quelques instants avant d’être délivré par ses cavaliers. Sur ordre de l’Empereur, cette fois, il s’apprête à exécuter une 3ème charge mais reçoit immédiatement une balle dans la poitrine et doit céder son commandement au général Jamin.  Celui-ci exécute une troisième charge et est tué presque immédiatement. C’est cette 3ème charge qui représentée par le tableau. Le général Jamin, en habit de général, est touché par un coup de pistolet et bascule en arrière , perdant son chapeau (très visible sur le tableau).

Généralement lors de toute charge de cavalerie, à la fin de la charge, les cavaliers adverses lancent une contre charge. C’est ce qui est illustré ici. Les uniformes anglais semblent être ceux des Life Guards. Il est à noter qu’il n’existe aucun récit détaillé de la mort du général Jamin. Mais il est plausible que ce qui restait de la Household Cavalry, déjà fort décimée lors de charges précédentes plus tôt dans la journée, ait participé à la contre charge menée par la cavalerie anglaise.  Il est à noter également que les trois charges de la cavalerie de réserve ont été également fort meurtries par le tir des batteries de la Royal Horse Artillery qui se trouvaient en face d’elles. Un autre récit attribue d’ailleurs la mort du général Jamin à un biscaïen tiré par un canon anglais.

Major Philippe BÉLIE

Conservateur du Musée Wellington