Une pyramide à Waterloo

Le projet de mémorial de Jean-Baptiste Vifquain (1819) présenté au Musée Wellington

Le professeur Eugène Warmenbol nous contacta au début de cette année 2023 à propos d’un dessin (0,94 m x 0,61 m) conservé dans les archives de la Société d’Archéologie. Nous nous sommes donc attelés à le retrouver dans les archives, actuellement en cours de reclassement. Ce dessin, précieusement emballé, était accompagné d’une lettre et de notes attestant de sa dernière utilisation pour des publications quelques décennies plus tôt. Il avait en effet été publié pour la première fois en 1989 dans les Cahiers bruxellois par notre ancienne collègue Anne Buyle1(fig. 1).

Comme il ne figurait pas dans l’exposition consacrée à l’ingénieur Jean-Baptiste Vifquain qui se tint à Louvain-La-Neuve en 1982, une vignette en noir et blanc est la première illustration connue de ce dessin, resté dans l’ombre depuis sa réalisation en 18192. Il fut aussi, plus récemment, publié dans un livre consacré au Monument de Waterloo en 2000 ; un détail en couleur de la pyramide parut même en couverture de l’ouvrage3. Il convenait dès lors, comme c’était le souhait du  commissaire de l’exposition qui se tient en ce moment au Musée Wellington à Waterloo (Égypte. Des Pharaons au Général), de le faire connaître du public. Plusieurs moyens furent mis en oeuvre pour y parvenir. Un premier constat s’imposait, le dessin était divisé en quatre morceaux, son intégrité matérielle avait donc disparu à l’endroit de pliures anciennes. Un second constat confirmait que le dessin avait fait l’objet, dès la fin du xixe siècle, d’une consolidation par doublage au dos au moyen d’un papier bleu-gris épais. En effet, déjà à l’arrivée du dessin à la Société d’Archéologie, il avait été jugé en mauvais état de conservation4.

Le dessin fut manipulé tant et si bien que son état se dégrada et que le dessin fut mécaniquement divisé en quatre parties. Les cent trente ans de sa conservation dans les archives de la Société fixèrent le dessin à Bruxelles. Toutefois son origine et sa transmission jusqu’à la Société d’Archéologie devraient encore faire l’objet d’investigations. Afin de pouvoir montrer le dessin au public dans des conditions décentes, il était souhaitable de lui appliquer une restauration non invasive qui en préserve l’intégrité matérielle et qui évite toute dégradation lors des manipulations futures. Ce travail devait aussi assurer la bonne conservation du dessin dans les archives de la Société. L’intervention fut confiée à Bruno Verbrugge, restaurateur à Conservart, qui réalisa un support adapté rigide et muni de fixations à caractère réversible, un comblement des lacunes des bords et un léger nettoyage par dépoussiérage de la surface du dessin. Le dessin était alors prêt à être présenté à Waterloo pour la première fois. La présente notice a pour but de sensibiliser le lecteur à la rareté d’une telle oeuvre.

Le fait exceptionnel de son exposition explique la nécessité, pour la bonne pratique de conservation de l’oeuvre, de ne plus l’exposer dans les années à venir. Il s’agit donc d’une occasion unique de l’observer dans les meilleures conditions et de visiter l’exposition dans son ensemble. L’original est remplacé, dès ce mois de septembre, par un fac-similé de grande qualité, qui sera visible jusqu’à la fin de l’exposition prévue au mois de janvier 2024..

Fig. 1. Projet de Jean-Baptiste Vifquain pour une pyramide à Waterloo, 1819. Dimensions : 0,94 x 0,61 m, aquarelle et plume. Bruxelles, Société royale d’Archéologie de Bruxelles

Parmi les remarques générales que nous pouvons formuler sur le dessin, signalons la combinaison d’un grand panorama de près de 1 m de long centré autour d’une pyramide commémorative accompagné de quatre vignettes illustrant différents aspects du projet, de l’implantation sur le champ de bataille à la vue zénithale (fig. 2). La richesse des coloris affirmés par une technique à l’aquarelle et à la plume sans faille, les dégradés de tons et l’inclusion de détails pittoresques comme des personnages en promenade, des voyageurs au loin, un arpenteur, un peintre ou un artiste attaché à relever le monument animent utilement l’aquarelle. L’implantation des arbres et des taillis, les bâtisses, le ciel d’un bleu léger sans perturbations participent à l’attrait évident du dessin et suscitent le désir de l’observer longuement.

Fig. 2. Détail du dessin de Jean-Baptiste Vifquain, vignette de la vue zénithale d’implantation de la pyramide. La pyramide est au centre d’un large cercle marqué par des arbres à la disposition régulière.

1 Anne Buyle, « Le projet de Jean-Baptiste Vifquain pour le monument de

Waterloo », dans Cahiers bruxellois, t. 30, 1989, p. 59-72.

2 A. Buyle, « Le projet », op. cit., p. 69.

3 Marcel Watelet & Pierre Couvreur, éds, Waterloo. Lieu de mémoire

européenne (1815-2000). Histoires et controverses, Louvain-La-Neuve, Academia

Bruylant, 2000.

4 Anne Buyle, « À propos du projet de Jean-Baptiste Vifquain pour le

monument de Waterloo », dans Cahiers bruxellois, t. 35, 1995, p. 145.

Pierre Anagnostopoulos
Société royale d’Archéologie de Bruxelles