La médaille de Sainte-Hélène

Il y a 150 ans, le Second Empire était aboli par une révolte parisienne accompagnée d’un vote des députés républicains. Cette chute résulte de la bataille de Sedan, victoire des états allemands coalisés face à l’armée française mal préparée de Napoléon III.

Cessent ainsi, 20 ans de tensions économiques, journalistiques et territoriales entre le royaume de Belgique et l’Empire français qui a fait naître une importante défiance envers la France.  Le roi des Belges Léopold II écrivait en 1870 à la Reine Victoria : « L’Empereur Napoléon est un conspirateur, il trame toujours quelque chose, rentre souvent ses projets sans les oublier tout à fait et pour mieux les reprendre».

Ce puissant voisin ne cessait d’inquiéter nos rois par son aspect napoléonien. En 1851, Léopold Ier adressait à la reine Victoria que « S’il s’établit (Napoléon III) quelque chose qui ressemble à un Empire, nous aurons peut-être beaucoup à en souffrir un moment, car la gloire française jettera indubitablement un coup d’œil sur ces vieilles frontières »

Napoléon III, neveu de Napoléon Ier devient président de la République en 1848 puis rétablit l’Empire en 1851. Une part importante de sa popularité provient du souvenir idéalisé de son oncle. De ce fait, Napoléon III entend faire vivre le souvenir de la Grande Armée.

Pour s’attacher les vétérans, il crée en 1857 la médaille de Sainte-Hélène. Elle fait référence à l’exil de Napoléon qui n’aurait jamais oublié ses compagnons de gloire, pour lesquels se tourne sa dernière pensée. Il s’agit d’une médaille commémorative donnée à tous les militaires français et étrangers des armées de terre et de mer qui ont combattu sous nos drapeaux de 1792 à 1815 selon le Moniteur français. Cette médaille sera distribuée à 405.000 vétérans dont 55.000 étrangers entre 1857 et 1870.

Le souvenir de cette ancienne gloire française était encore bien présent en Belgique dont le territoire formait des départements de l’Empire de Napoléon.

Ce seront 14162 anciens soldats belges de la Grande Armée qui feront la demande d’obtention de la médaille de Sainte-Hélène à l’image du Brugeois Fidèle Libert dont nous possédons le diplôme et la médaille dans nos collections suite à un don de la famille Libert en 2019. 

Pour l’obtenir, les Belges devaient d’abord demander l’autorisation du gouvernement avant de pouvoir arborer une décoration étrangère selon la loi du 11 juillet 1832 qui est toujours d’application. Les bourgmestres via les gouverneurs de province, faisaient parvenir les listes de Belges éligibles à devenir récipiendaires.

Fidèle Libert, ancien soldat de la Grande Armée obtient la médaille, le 13 mars 1858.

La médaille est en bronze et fut réalisée par le sculpteur Désiré-Albert Barre.  À l’avers se trouve le profil de l’Empereur Napoléon Ier, et au revers ce texte : « Campagnes de 1792 à 1815. À ses compagnons de gloire, sa dernière pensée, Ste Hélène 5 mai 1821 ». La médaille est entourée à d’une couronne de lauriers tressées et surmontée d’une couronne impériale dans laquelle passe une bélière.

Elle était reçue gratuitement dans une boîte de carton au couvercle recouvert d’un papier blanc glacé portant en relief l’Aigle impérial et l’inscription « Aux compagnons de gloire de Napoléon 1er – Décret du 12 août 1857 ».

Cette médaille de bronze était portée à la boutonnière, suspendue à un ruban vert et rouge à raies très étroites.

Par la suite, elle influencera la conception de la croix de guerre française de la première guerre mondiale.

Quentin DEBBAUDT,

Responsable des collections au Musée Wellington

Bibliographie

  • Demoulin R, « Documents inédits sur la crise internationale de 1870 », Bulletin de la commission royale d’histoire, 1957, 122, pp.167-170.
  • Muret P, « La reine Victoria d’après sa correspondance inédite », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1910, 14-2, pp. 258-263.
  • Moniteur belge des 23 janvier, 20 février, 18 mars, et 27 avril 1858.
  • Moniteur français du 13 mars 1858.