Histoire du cabinet de Napoléon

Le musée Wellington a reçu en 2021 un ouvrage nommé Histoire du cabinet de Napoléon conservé actuellement dans la bibliothèque du musée.

L’auteur, Lewis Goldsmith (1763-1846) est un Anglais partisan des idées de la Révolution française, il fréquente les cercles maçonniques avant la Révolution et voyage sur le continent européen. En 1795, il rédige la préface de la deuxième partie de l’ouvrage de son ami Joel Barlow, Advice to the Privileged Ordres, qui exhorte la noblesse à renoncer à ses privilèges. De retour à Londres, il fonde un journal pro-français nommé Albion en 1799.

Talleyrand, ministre des Relations extérieures du Directoire remarque Goldsmith et le charge de la presse et de la propagande en Angleterre alors en guerre contre la France. C’est une manière nouvelle de faire la guerre à travers la propagande et la désinformation pour agir sur l’opinion publique de son adversaire.

En 1801, Goldsmith publie The Crimes of Cabinets, or a Review of the Plans and Aggressions for Annihilating the Liberties of France and the Dismemberment of her Territories, contre la politique du Premier ministre Pitt. En 1802, il s’enfuit avec son épouse à Paris où Talleyrand l’introduit auprès de Napoléon. Avec l’aide de ce dernier, Goldsmith crée en octobre un nouveau journal, Argus une publication en anglais sur les affaires britanniques d’un point de vue français. Néanmoins, Talleyrand fini par se détourner de Goldsmith et le remplace à la tête de l’Argus en 1803 par Thomas Dutton. Goldsmith change alors d’allégeance et propose ses services à l’Angleterre.

Agent britannique infiltré au service des Français, Goldsmith réalise quelques services pour le compte de Napoléon jusqu’en 1807. Ses relations avec l’Empereur se tendent après l’écriture d’un projet de pamphlet sur Marie-Antoinette heurtant Napoléon qui déclare : « Quoi, ce n’est pas assez que ces misérables aient fait monter cette malheureuse femme sur l’échafaud, il faut encore qu’ils salissent sa mémoire ! Que veulent les auteurs de ce pamphlet ? De l’argent ! Qu’on leur en donne et que cette saleté ne voie pas le jour ! ». Goldsmith utilisera cette réaction de Napoléon pour prétendre dans l’Histoire du cabinet de Napoléon que l’Empereur a voulu le soudoyer non pas sur le sujet de Marie-Antoinette mais bien pour acheter le silence de l’écrivain au sujet de excès napoléoniens.

Il publie également avec Bertrand Barère la revue Memorial Anti-Britannique. Goldsmith retourne en Angleterre en 1809 profitant d’un passeport pour l’Amérique. En 1811, devenu anti-républicain, il fonde l’Anti-Gallican Monitor and Anti-Corsican Chronicle dans lequel il dénonce à présent la Révolution française. C’est dans cette période de sa vie qu’il écrit à partir de 1810 son Histoire du cabinet de Napoléon.

Le livre se présente en un « in-6 » recouvert d’une couverture de cuir vert dont le dos est composé de 5 nerfs. Il s’agit du premier tome d’une série écrite par Lewis Goldsmith (1763-1846) et publié en 1814 en français à Londres chez T. Harper le jeune et à Paris chez « Les marchands de nouveautés ».

 

Le combat de Goldsmith contre Napoléon ne cesse pas après la capture de l’ex-Empereur. Le publiciste a une idée très en avance sur son temps en appelant les grandes puissances à constituer un « Grand tribunal européen » afin de prononcer une condamnation à caractère légale et collective. Lewis Goldsmith continue à éditer l’Anti-Gallican Monitor and Anti-Corsican Chronicle qui révèle le 20 octobre 1816 l’existence d’une correspondance secrète entre Napoléon alors à Sainte-Hélène et des responsables autrichiens. Ces révélations mettront Hudson Lowe, gouverneur de l’île, dans un grand embarra.

De manière surprenante, il rend hommage à Napoléon en écrivant en 1821 : « Il n’est pas un seul homme en Angleterre qui ait dû être aussi frappé de la nouvelle de sa mort autant que moi. Toutes les haines expirent aux portes du tombeau« .

Goldsmith meurt après des mois de maladie, dans sa maison de la rue de la Paix, à Paris, le 6 janvier 1846.

L’histoire du cabinet de Napoléon est vigoureusement
à charge contre l’Empereur des Français, ainsi il commence par ses termes en
parlant de lui-même « Il dit qu’il avait cru Buonaparte le plus
puissant Hercule qui devait purger la terre des monstres ; mais
l’expérience lui a prouvé que la révolution avait enfanté une hydre au lieu
d’un Hercule 
». Le ton du livre est donné ! Par la suite
Goldsmith accuse Napoléon d’être l’auteur de nombreux crimes, d’être assoiffé
de sang, d’être coupable d’inceste avec deux de ses sœurs, de ne pas être le
fils de son père et d’une multitudes d’autres crimes. Il révèle aussi assez
crument les problèmes de santé de l’Empereur. Dans son réquisitoire Goldsmith
navigue subtilement entre les faits factuels et la calomnie, renforcé en cela
par le fait qu’il a réellement connu Napoléon et travaillé pour lui !
C’est donc avec un grand art de la propagande que Goldsmith rédige ce livre que
Las Cases traitera de « poison ».

Plus qu’un livre anti-bonapartiste, cet ouvrage est un
témoignage d’un aspect souvent méconnu des guerres de la Révolution et de
l’Empire entre la Grande-Bretagne et la France. Si l’essentiel de l’effort de
guerre se porte sur l’armée et la marine, un autre front fut celui de la guerre
psychologique. La Grande-Bretagne produit un nombre considérable de pamphlets,
livres et caricatures écoulées en Europe continentale via la contrebande et les
vastes entrepôts des îles Heligoland occupées par la Royal Navy. Les
Britanniques excelleront à travers leur caricature. On dénombre environ 15 000
caricatures anglaises pour les années 1780 – 1820, qui englobent les guerres de
la Révolution et de l’Empire.

Si l’ouvrage de Goldsmith a été écrit dans une volonté
propagandiste, nous pouvons nous poser les mêmes questions que le biographe de
Goldsmith, Jacques Bernard. Ce dernier amène à nous interroger sur la vision
traditionnelle de l’Histoire : « On ne peut pas affirmer que tout ce
que Goldsmith écrit est vrai, mais non plus que tout ce qu’il écrit est faux.
Il n’a fait ni un roman, ni œuvre de recherche historique, il a écrit un livre
de témoignages. Il y a des choses outrancières, mais c’est sa vérité à lui ; et
elle est probablement aussi proche de la vérité que celle qu’on nous a apprise
depuis toujours. 
»

 

Quentin Debbaudt, Coordinateur scientifique du musée
Wellington.

Bibliographie

Branda P, Les secrets de Napoléon, Paris, la librairie Vuibert, 2014.

Ferret O et Mercier-Faivre A-M (dir de), Biographie et politique : vie publique, vie privée, de l’Ancien Régime à la Restauration, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2019.

Ganière P, Napoléon à Sainte-Hélène, Perrin, 2015.

Goldsmith L, Histoire du cabinet de Napoléon, Tome 1, Paris ou Londres, 1814.

Hupin G, Marie-Antoinette : victime de la subversion, Paris, Nouvelles éditions latines, 1972.

 

Sources en ligne

« Vendée : il livre les secrets de Lewis Goldsmith, l’homme qui haïssait Napoléon » in Le Journal du pays yonnais, 8 novembre 2021. (Consulté le 19 janvier 2023 sur https://actu.fr/pays-de-la-loire/mouilleron-le-captif_85155/vendee-il-livre-les-secrets-de-lewis-goldsmith-lhomme-qui-haissait-napoleon_46274348.html)

HICKS P, « Post Waterloo: Napoleon’s clandestine messages » in Napoleonica. 2020/2 (N° 37). (consulté le 20 janvier 2023 sur https://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2020-2-page-25.htm)

Ouvrard R, Napoléon à travers les caricatures 1799-1806 in Caricatures et caricature, 2021 (Consulté le 20 janvier 2023 sur https://www.caricaturesetcaricature.com/article-15673487.html).