L’impact de la campagne de Belgique sur les civils :

Les grands oubliés de l’historiographie ?

Ecrire sur le sort des civils pendant les opérations militaires n’a jamais été une priorité des historiens plus intéressés par les faits militaires. Les témoins des combats de la campagne de Belgique en 1815 sont souvent des militaires qui se concentrent sur les combats. Néanmoins, afin de fixer le décor, des scènes « de genres » sont souvent dépeinte en toile de fond ce qui permet de se faire une idée de la vie des civils.

L’histoire dite « bataille » régnant en maitre dans notre conception de l’histoire au XIXème et au début du XXème siècle, les civils ne furent pas mieux traités par les premiers historiens de la bataille de Waterloo.

Il faut attendre une réforme de la manière de traiter l’histoire par l’école des Annales avec March Bloch (1886-1944) et Lucien Febvre (1878-1956) pour envisager une approche plus sociétale de l’histoire et le traitement de sujets périphériques. Les civils font alors leur entrée comme élément d’étude dans la narration de la campagne de Belgique, citons notamment l’ouvrage phare de Théo Fleischman et Winand Aerts, Bruxelles pendant la bataille de Waterloo paru en 1956[1]. Plus récemment Nicholas Foulkes s’est illustré en rédigeant une fresque très complète sur la société britannique implantée à Bruxelles en 1815 avec son Dancing Into Battle.[2]

Il y a quelques années Philippe de Callataÿ écrivait : Nombreux sont les participants aux combats de juin 1815 qui ont tenu un journal ou écrit leurs souvenirs, mais rares sont ceux qui se sont intéressés au pays qu’ils traversent et à leurs habitants.[3]

Aujourd’hui, étudier le sort des civils est devenu un sujet d’investigation comme un autre lorsque l’historien se penche sur les grands évènements militaires. Ce genre d’étude s’est également développé d’autres conflits à l’image de Peter Schrijvers qui étudie les civils pendant la bataille des Ardennes dans son The Unknown Dead : Civilians in the Battle of the Bulge.[4]

Rendons également justice aux historiens qui se sont intéressés aux « batailles oubliées » à l’ombre du lion de Waterloo avec notamment la brillante collection publiée par « Hitoric’one ». Je me suis moi-même prêté à cet exercice lorsque j’ai étudié les souvenirs du Général Bourke qui a tenu la forteresse de Charlemont entre juin et décembre 1815[5].

L’état d’esprit des Belges en 1814

L’époque napoléonienne n’est pas celle des sondages d’opinion, il est donc difficile de se faire une idée précise des préférences politiques des Belges à la chute du Premier Empire. Certains groupes sont surreprésentés dans les témoignages essentiellement rédigés par la Bourgeoisie, l’aristocratie et les militaires. Que pensait le paysan du Brabant ou le pêcheur de Flandre ? Il est très difficile de répondre à la question. Nous nous conterons donc d’évoquer un « état d’esprit » afin de recontextualiser l’histoire civile de la campagne de Belgique.

La population Belge a d’abord très bien accueilli l’instauration du Consulat et surtout la paix d’Amiens qui permettait la reprise du commerce des ports Belges. Les Belges ont ensuite soutenu l’effort naval en vue de l’invasion des îles britanniques en contribuant volontairement à la construction de chaloupes canonnières. L’annulation de la tentative de débarquement en Grande-Bretagne et la suite continue de guerres continentales qui en ont résulté a peu à peu creusé l’écart entre l’Empereur et ses sujets belges. La politique fiscale et les très impopulaires droits réunis[6] ont achevé l’idée d’un Empire « populaire ». Seul le mariage avec Marie-Louise en 1811 est très bien accueilli dans les départements belges notamment lors de la visite du couple impérial en 1810. La population, en âge de s’en souvenir, se remémorer avec une certaine nostalgie l’époque autrichienne faite d’un développement stable dans la paix. Napoléon ne manque pas de s’en rendre compte disant au maire de Bruxelles : « Je constate qu’on est davantage autrichien ici qu’en 1803 »[7]

Cela n’empêche pas les élites parisiennes de continuer à se faire des illusions à l’image du Ministre Nicolas-François Mollien qui écrit « La masse de la population ne connaissait que l’Empereur et l’Empire »[8]

Lors de l’effondrement de l’Empire après la campagne d’Allemagne de 1813, les armées coalisées approchent. L’état d’esprit passe d’une calme résignation à un état d’insoumission comme le relate le préfet de la Dyle dans une lettre datée du 17 décembre 1813: « La rentrée des contributions extraordinaires et même ordinaires est nulle, tous les percepteurs me demandent des troupes pour appuyer leurs opérations et je n’en ai point à leur donner: les percepteurs sont menacés, les porteurs de contraintes méprisés, aucun n’ose espérer de saisies, ce funeste retard des rentrées va laisser les caisses vides et compromettre tous les services »[9].

En 1814, la fuite de l’administration française ne contribue pas à rendre l’Empire plus attrayant aux yeux des Belges « Spectacle douloureux : ce n’est pas seulement une armée française qui bat en retraite, c’est la France elle-même qui recule et abandonne des provinces qu’elle avait crues définitivement conquises, annexées, incorporées à son empire.[10]

Les cosaques du Tsar Alexandre occupent le pays et Waterloo est atteinte le 1er février. Les Waterlootois les reçoivent aux cris de « Vive Alexandre ». Le chanoine Tellier, waterlootois, a résumé le sentiment de nombreux Belges « En général, on était bien aise de l’arrivée des Cosaques. Ce n’est pas qu’on désirait l’arrivée de ces hordes à demi sauvages, mais on était content d’être délivrés des Français » poursuivant « D’ailleurs, nous étions loin d’être les partisans de Napoléon. Je me souviendrai toujours de la désolation qui régnait dans le village lorsque les conscrits allaient faire leurs adieux à leurs parents et à leurs voisins »[11]

Les civils et la bataille de Waterloo

La guerre revient en 1815 avec les armées de l’Empire. Comment les civils vont vivre cet évènement extraordinaire ? Plutôt que d’essayer de tisser une fresque temporelle, j’ai préféré analyser de manière synthétique les différents vécus que j’ai classé par thématiques procédant de la même manière que lors du colloque du Souvenir Napoléonien « Napoléon III : l’homme » au sujet de « Napoléon III et les femmes »[12].

Les réquisitions

A l’exception notable de l’armée britannique, les armées des guerres de la Révolution et de l’Empire ont pour coutume de vivre sur le pays, c’est-à-dire réquisitionner chez l’habitant. Dans l’armée française, cela s’appelle « la maraude ». Les Wallons vivant sous l’occupation prussienne ont d’ailleurs composé une chanson qui traduit bien ces faits :

« Savez-vous ce qu’est un Prussien ? Un goinfre à quatre panses,

Il boit jusqu’à en tousser, Il avale tous les pains.

J’avais du lard au plafond, De la bière dans la cave.

Ils ont tout bu, tout mangé. Leurs boyaux sont si longs

Qu’on ne sait les remplir.[13]

Être occupé par une armée alliée ou ennemie est une source de problèmes pour les civils comme l’écrit la duchesse d’Ursel dans une pétition à l’Empereur d’Autriche en 1814 « Les armées alliées se comportèrent non pas en amies mais bien plutôt en troupes d’occupation en territoire ennemi. Les contributions de guerre, les réquisitions, les logements militaires entrainèrent milles vexations »[14] A Cognelée, c’est un habitant qui déclare à son maire dans une pétition que 5 soldats prussiens ont logé chez lui en 1815 et décrit leur comportement « Les soldats battaient leur hôte, exigeaient de lui des provisions qu’ils gâchaient aussitôt délibérément ; à leur départ, ils tuèrent tout le bétail, saccagèrent la maison et défoncèrent le jardin ».[15]

En cas de nécessité, les soldats britanniques ne se comportent pas mieux comme s’en remémore Thomas Dyneley, capitaine en second dans l’artillerie à cheval : « Je n’ai certainement jamais eu aussi faim de ma vie, n’ayant rien eu en bouche depuis la veille au soir. Nous avons forcé l’entrée d’une maison dont les habitants avaient fui et y nous avons trouvé du pain, du beurre et des pommes de terre, grâce à quoi nous avons mangé excessivement bien » .[16]

Travailler pour l’armée

Des civils furent également contraints au service de guide pour les officiers tant alliés que Français. C’était un service dangereux à une époque où les officiers qu’ils accompagnaient risquaient autant la mort que leurs soldats. Le plus célèbre d’entre eux est sans conteste Jean-Baptiste De Coster qui fera fortune comme guide touristique sur le champ de bataille et peut-être considéré comme le premier guide touristique du champ de bataille de Waterloo. A Lasne, ce sont les paysans Degreef et van Hadenhoven qui durent accompagner les Prussiens vers la Haye-Sainte, se disputant pour savoir lequel connaissait le moins bien les environs, les Prussiens tranchèrent en les emmenant tous les deux ![17] Ce manque d’enthousiasme s’explique aussi par le fait que les mêmes Prussiens venait de pendre Pierre-François Grade probablement pour des raisons de « sécurité militaire », Sergent de ville à Wavre qui venait de leur servir de guide

Blücher fut conduit par Devries, habitant d’Hoeilaart qui part le bois de Rixensart lui montra la direction la plus courte vers Mont-Saint-Jean. Arrivé à quelques kilomètre, Devries pèse d’un point important sur la suite de la bataille comme s’en rappelle le général Muffling « On avait proposé d’avancer au-dessus de Fischemont ; mais le paysan qui servait de guide s’y opposa, et conseilla, et en descendant plus bas dans la vallée, de pénétrer près de Plancenois, et plus sur le derrière des réserves de l’armée française. alors », dit-il, « nous les prendrons tous » quelques décennies plus tard Victor Hugo écrit « Si le petit pâtre, qui servait de guide à Bülow, lieutenant de Blücher, lui eût conseillé de déboucher de la forêt au-dessus de Frischermont plutôt qu’au-dessous de Plancenoit, la forme du dix-neuvième siècle eût peut-être été différente. »

Les civils servent aussi de sources de renseignements, ainsi Grouchy croit bon de préciser à Napoléon dans sa lettre du 18 juin à 11h afin de certifier ses informations : « La plupart des renseignements que renferme cette lettre, me sont fournis par le propriétaire de la maison ou je me suis arrêté pour écrire à Votre Majesté ; cet officier a servi dans l’armée française, est décoré, et paraît entièrement dévoué à nos intérêts ».

L’armée britannique dans le « Royal Wagoon train » ne suffit pas à assurer le ravitaillement a engagé des civils ce qui s’est révélé une mauvaise idée comme le rapporte commissaire Tupper Carey, en charge du ravitaillement de la deuxième division : « Je me rendis au village de Waterloo où le quartier général avait été installé, pour obtenir si possible du ravitaillement ou au moins apprendre ce qu’il fallait faire pour en avoir. Je n’ai trouvé qu’agitation et confusion dans le village qui était encombré de troupes ». Il décide alors d’aller en chercher à Bruxelles. « Il était tard dans l’après-midi et la route était encombrée par des voitures chargées de pain, de fourrage et de blé, et aussi par des bagages, des animaux et d’autres matériels militaires. J’avais à peine parcouru un mile que chacun sembla soudain saisi de panique au cri que l’ennemi était tout proche. Cela me paraissait ridicule car j’arrivais du front où tout était calme. Je n’ai jamais assisté à une telle scène de confusion et de folie. (…) Les domestiques se débarrassaient de leurs bagages en les jetant à terre, puis, grimpant sur leurs bêtes, ils filaient au galop vers l’arrière. D’autres se dispersaient dans toutes les directions dans la forêt. Les fermiers qui amenaient des provisions dans leurs chariots, coupaient les harnais et s’enfuyaient avec les chevaux, abandonnant les voitures »[18]

Fuir !

Le premier souci des civils qui s’attendent à se trouver dans la zone des opérations militaires est de cacher leurs ressources avant l’arrivée des soldats. Elles permettront de soustraire les biens à l’avidité de la troupe mais aussi de survivre.

En 1814, lors de l’évacuation de la Belgique, Tellier écrit que son père : « Toujours prudent, toujours prévoyant, s’est occupé à préparer des « cachettes ». Nous y avons travaillé plusieurs jours et plusieurs nuits avec notre voisin, el comte qui était notre maçon et même notre factotum. Nous avons mis nos linges et nos meilleurs effets dans des tonneaux, pour les préserver de l’humidité. Nous avions une assez grande quantité de tonneaux remplis de vinaigre, qui furent placés dans la grande cave, sous la cuisine ; il y en avait jusque contre la voûte, l’entrée de la cave fut bouchée par un mur. »[19]. Ces cachettes seront réutilisées le 16 juin 1815 « Dans la matinée, nous nous sommes occupés à renfermer nos meilleurs effets dans des tonneaux, qui ont été placés dans des cachettes préparées l’année précédente. »[20]

Les biens mis à l’abri, c’est à sa personne que l’on songe en allant se cacher. Pour les brabançons la forêt de Soignes parait tout indiquée. Ainsi Tellier et sa famille projettent « si le danger devenait pressant, à tout abandonner et à nous réfugier dans la forêt »[21]. Les jeunes enfants ne suivront pas et seront conduit chez des parents habitant des zones éloignées.

Le combat engagé devient une source de spectacle « Dans l’après-midi, beaucoup d’habitants sortent de leurs maisons ou se trouvent aux fenêtres de leur grenier pour voir le combat » spectacle seulement gâché par « la fumée » qui « empêche de bien distinguer les combattants ».[22]

Le capitaine Duthilt, aide-de-camp du Général Bourgeois constate que les civils ont fui et doivent se servir de fours civils pour « cuire à la hâte dans des villages écartés de la route, mais cette ressource fut insuffisante, car ces villages étaient déserts, les habitants ayant fui pour la plupart »[23]

De champ d’honneur au champ d’horreur

Dès le soir de la bataille la question de l’ensevelissement des corps devient préoccupante en raison des aggravations sanitaire qui pourrait en résulter.

En raison du mouvement des coalisés vers la France, les civils sont réquisitionnés pour nettoyer le champ de bataille sous la conduite d’officiers néerlandais. La priorité est de relever les blessés dont certains sont encore ramassés quatre jours après la bataille. Ensuite, il faut collecter les débris et ensevelir les morts ce qui prit de 10 à 12 jours.

Les monuments sont requestionnés, surtout les églises, pour accueillir les nombreux blessés.

Les civils sur le champ de bataille se muent aussi en pillards qui achèvent les blessés pour mieux les dépouiller. L’on cherche à reprendre sur le soldats mort ou blessé ce que la troupe a pris lors de son passage ce dont témoigne une circulaire concerna le bétail « égaré » des troupes britanniques conservée aux archives communales de Jodoigne « Les populations civiles s’empressèrent de compenser par l’enlèvement d’objets militaires les pertes qu’elles avaient subies » cela va du vol du bétail de l’armée britannique au vol sur le champ de bataille comme le relate le maire de Malonne « Une quantité de gens ont exposé leur vie pour se mettre à porté de friponner la troupe »[24]

Les civils sauvent des milliers de vies

Les blessés « valides » puis ceux ramassés dans un premier temps par les combattants et ensuite par les civils réquisitionnés deviennent un fardeau pour les habitants des alentours ! Les églises et les quelques fermes du Brabant qui accueillent 1.300 blessés, selon la Gazette Générale des Pays-Bas[25], sont débordées et c’est Bruxelles qui fournira la plus grande assistance.

Les armées en opération évacuent le champ de bataille et ne laissent que des moyens rudimentaires pour s’occuper des blessés. Basil Jackson : « La vérité est que, dans la mesure de nos moyens, on s’occupa des blessés anglais et ceux de la légion germanique du Roi, ensuite des blessés hanovriens. Les Brunswickois, les hollandais et les Belges avaient chacun leurs ambulances ou leurs fourgons-hôpitaux à l’usage de leurs propres blessés. Mais le soin de recueillir les blessés français fut abandonné aux charrettes des campagnards. »[26]

Sociologiquement, l’aide aux blessés relève de la charité qui est une occupation plus féminine en dehors des établissements religieux. Les premières à se rendre sur le champ de bataille seront les femmes de la haute noblesse suivie par d’importants entrepreneurs comme les brasseurs qui apportent de l’eau et de la bière utilisant pour cela leur charrette.

Le Journal de la Belgique du 21 juin illustre le dévouement des Bruxellois : « On ne voit dans les rues que des particuliers transportant sur des matelas, des blessés, soit de chez eux à l’hôpital, soit de l’hôpital dans leur maison, suivant la gravité des blessures. » Les Bruxellois ne font pas de considérations entre vainqueurs et vaincus comme le précise le journal : « un détachement de ses malheureux composé de 1.500 hommes qui, cette nuit, à une heure, s’est arrêté sur la place de la Monnaie, a vu le voisinage entier se lever pour leur offrir tous les genres d’assistance ; car tel est bien le caractère bienfaisant du Belge »[27]

Le Journal de la Belgique publie que le 24 juin, tous les blessés sont relevés du champ de bataille.

Les Belges se montrent aussi solidaires en évitant à des soldats la capture, si les cas d’évasion de soldats français sont connus, les cas concernant les Prussiens le sont beaucoup moins d’autant plus que les habitants avaient beaucoup de griefs à leur égard. Pourtant, le Royaume des Pays-Bas dresse une liste de citoyens de Gembloux ayant caché des Prussiens après la bataille de Ligny pendant « l’occupation » française[28].

Les dégâts matériels

Tellier rapporte dans son journal « qu’il n’y eut, à Waterloo, aucune réjouissance à l’occasion de la kermesse. On était encore sous l’impression des pertes que la bataille avait fait subir à la plupart des habitants. »[29]

Il est actuellement difficile de chiffrer les dégâts que provoquèrent les combats de 1815 comme l’écrit Bousmar « Un examen systématique des données locales fait, à notre connaissance, encore défaut. Une telle enquête pourrait notamment prendre en compte les déclarations de dommages introduites après les événements par la population civile »[30]. Néanmoins, les déclarations de dommage doivent être prises avec précaution, celle-ci pouvant avoir tendance à exagérer la réalité afin de recevoir du gouvernement une aide plus importante.

Un nouveau paradigme économique

La dernière bataille des Guerres de la Révolution et de l’Empire est rapidement perçue à l’étranger comme un évènement important. Dès lors des milliers de curieux viennent sur le champ de bataille. Certains civils en profitent avec un sens de l’opportunité commercial comme le relate Walter Scott en 1815 quand il visite l’actuel musée Wellington « Les paysans du voisinage se sont enrichis par l’évènement même qui les menaçait d’une ruine totale. La bonne vieille flamande qui tient le principal cabaret de Waterloo avait même découvert déjà, lorsque j’y étais, tout le prix de sa situation et triplé le prix de notre café parce qu’elle nous faisait l’honneur de nous montrer le lit dans lequel le grand Lord avait dormi la veille de la bataille. Jusqu’où a-t-elle fait monter depuis lors l’impôt levé sur la curiosité anglaise ? »[31]

Cette même population ne semble pourtant pas développer une mémoire immédiate de la bataille comme le suggère Bousmar « Pendant plus d’un siècle, le Brabant wallon ne s’est pas vraiment senti concerné. « La » bataille était quelque chose d’importé, quelque chose à quoi des armées étrangères (pour l’essentiel) s’étaient livrées, au milieu de « nos » champs et de « nos » fermes. Quelque chose qui était comme surimposé au terroir, sans s’intégrer à celui-ci, et dont il n’y avait pas grande gloire à tirer »[32].

Nous conclurons cette évocation de la place des civils lors de la bataille de Waterloo par ces mots de Benoit Histace directeur du Ligny 1815 Museum : « Trop souvent minimisée durant la guerre en 1815, les populations locales qui ont vécu ces moments de souffrance ne doivent pas être oubliées »[33]

Quentin Debbaudt, Conservateur du musée Wellington

Sources


[1] Fleischman T, Aerts W, Bruxelles pendant la bataille de Waterloo, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1956.

[2] Foulkes N, Dancing Into Battle, London, Phoenix, 2008.

[3] Callataÿ P (de), Le musée Wellington : trois siècles d’histoire au cœur de Waterloo, Commune de Waterloo, Waterloo, 2014, p.46.

[4] Schrijvers P, The Unknown Dead : Civilians in the Battle of the Bulge, Lexington, KY, 2005.

[5] Sur le sujet : Debbaudt Q, « le siège de Givet » in Napoléon Ier magazine – 95, Paris, Soteca, 2020.

[6] Droit réunis : contribution indirecte sur les boissons, le tabac et les cartes à jouer.

[7] Cité par Gérard J, Napoléon : Empereur des Belges, Bruxelles, Collet,1985, p.237.

[8] Mollien N-F, (Ministre du trésor), Mémoires d’un Ministre du Trésor, tome IV, Paris, Fournier et co, 1846, p.127.

[9] Archive Nationale de France, Fic III, Dyle 4

[10] Calmon-Maison JR, « Le Général Maison et le 1er corps de la Grande Armée » in Revue des deux Mondes – 19, 1914.

[11] Cité par : Vander Cruysen Y, Waterloo: 70 000 ans d’histoire, Bruxelles, Editions Jourdan, 2017, p. 36.

[12] Debbaudt Q, « Napoléon III et les femmes » in Revue du Souvenir Napoléonien – HS 12, Paris, Souvenir Napoléonien, 2024.

[13] Cité par Gérard J, Napoléon Empereur des Belges…, p.336.

[14] Cité par Thielemans M-R, La Belgique au temps de Napoléon (catalogue d’exposition), Bruxelles, ministère de l’Éducation et de la culture, 1965, p. 4.

[15]  Idem, p. 24.

[16] Cité par Callataÿ P (de), Le musée Wellington : trois siècles d’histoire au cœur de Waterloo, Commune de Waterloo, Waterloo, 2014, p. 54.

[17] Tondeur J-P, Courcelle P, Pattyn J-J, Meganck P, Plancenoit, Waterloo 1815 – les Carnets de la Campagne – N 6, Bruxelles, Editions de la Belle Alliance, 2003, p.56.

[18] Carey 1899, p.727.

[19] Cité par Gérard J, Napoléon Empereur des Belges, Bruxelles, Collet, 1985 , p.306.

[20] Idem p.308.

[21] Idem, p.308.

[22] Idem, p.309.

[23] Cité par Coppens B, Courcelle P, La Haie Sainte, les carnets de campagne – numéro 3, Bruxelles, Editions de la Belle-Alliance, 2000, P.78.

[24 Cité dans La Belgique au temps de Waterloo (Cat. d’exposition), Bruxelles, Archives générales du Royaume, 1965, p. 26.

[25] Gazette Générale des Pays-Bas du 25 juin 1815.

[26] Jackson B, (Lieutenant-Colonel), Waterloo et Sainte-Hélène, Paris, Plon, 1912, p.112.

[27] Journal de la Belgique du 21 juin 1815

[28] Cité dans La Belgique au temps de Waterloo (Cat. d’exposition), Bruxelles, Archives générales du Royaume, 1965, P. 26.

[29] Cité par Gérard J, Napoléon Empereur des Belges, Bruxelles, Collet,1985, p.310.

[30] Bousmar E, « Waterloo 1815-2015. Mémoires européennes, belges et locales en Brabant-Wallon » in Revue d’histoire du Brabant wallon. Religion, patrimoine, société, 29, 2015, p.103.

[31] Scott W, De Waterloo à Paris (1815), lettres de Paul à sa famille, Paris, Mercure de France, 2015.

[32] Bousmar E, « Waterloo 1815-2015. Mémoires européennes, belges et locales en Brabant-Wallon » in Revue d’histoire du Brabant wallon. Religion, patrimoine, société – 29, 2015, p.103.

Sources onlines

Debbaudt Q, « La canne souvenir du champ de bataille » in Zoom sur la collection, musée Wellington, 2021 disponible sur : https://www.museewellington.be/la-canne-souvenir-du-champ-de-bataille/ (consulté le 9 octobre 2025).